Parties
Protocole pour faire un protocole
- Choisir un médium et lui appliquer les instructions suivantes
- Définir les lignes du médium (direction, sens, forme, courbure, épaisseur, signification) présentes dans ce médium
- Établir une liste de 6 gestes, actions différentes à effectuer sur ce médium
- Associer à chaque action un nombre entre 1 et 6
- Lancer un dé déterminant l’action à réaliser
- Répéter le protocole jusqu’à épuisement ou incapacité à produire plus

Parties est un projet protocolaire s’inscrivant dans une démarche plastique d’expérimentation autour de l’installation et de son rapport à l’espace, de la ligne et du corps en tant qu’objets graphiques et plastiques. Le terme de Parties traduit à la fois des parties d’un jeu, un morceau de quelque chose mais aussi des pièces absentes.
Les différentes pièces présentées Départ, Partition, Répartition et Aparté sont la déclinaison, sous plusieurs médiums, d’un seul protocole : le protocole pour faire un protocole. Celui-ci permet l’écriture de nouveaux protocoles, en fonction des médiums auxquels il est appliqué (ici l’écriture, le fil de nylon, le corps et le papier). Du hasard est inscrit à l’intérieur de celui-ci par l’usage d’un lancer de dé déterminant des actions à réaliser : cela participe à déconstruire une certaine rigidité du protocole.
Ma production s’inscrivant dans le champ contemporain des pratiques installatives et protocolaires, les travaux de François Morellet, Claude Rutault et Vera Molnar ont enrichi mes réflexions, par leur attrait pour la ligne, la répétition et une approche à la fois protocolaire et presque mathématique de l’art.

Un protocole est une « instruction précise et détaillée mentionnant toutes les opérations à effectuer dans un certain ordre ainsi que les principes fondamentaux à respecter pour exécuter une opération, réaliser une expérience », il s’agit également d’un accord entre les différents membres d’une expérimentation. Camille Paulhan précise : « Le protocole pourrait être défini comme une caractéristique propre à certaines œuvres, dont la matérialité n’apparaît que le temps de leur exposition, et dont les matériaux sont renouvelés à chaque présentation. » J’envisage alors Parties comme un jeu de logique plastico-mathématiques. Le protocole devient la règle du jeu à suivre et à adapter par les moyens plastiques mis en œuvre.
Ensuite, les pièces ici exposées questionnent la ligne. Cette question de la ligne et de ses mutations se retrouve au cœur des préoccupations de mon travail plastique. En effet, sans matérialité propre, la ligne possède, à la fois, une dimension graphique, spatiale, et plastique. Elle parle de notre rapport à l’espace, au temps et à ce qui nous entoure.

Cette grande production plastique cherche à montrer la malléabilité de la ligne et du protocole, mais aussi à créer une véritable articulation entre tous les projets,qui sont des parties d’un jeu global. Ces pièces protocolaires peuvent être assimilées à la pratique du Yi Jing. Livre des changements, le Yi Jing est un texte fondateur de la civilisation chinoise. Il traduit le fait que « le changement est la seule loi immuable dans tout l’univers ». Souvent considéré comme un ouvrage de divination, le Yi Jing est davantage un guide de stratégie. Ainsi, penser le protocole comme une règle du jeu c’est envisager ses différentes variations comme la modulation de ses effets et comme l’interprétation plastique des consignes énoncées : le protocole est le même mais interprété de différentes manières.
Départ




Départ, 2024
Papier, encre, 252 x 99 cm
Exposition 2+2= 5
Salle Alban Denuit, Université Bordeaux Montaigne
Répartition





Répartition, 2024
Fil de nylon, bois, clous, 120 x 120 cm
Exposition 2+2= 5
Salle Alban Denuit, Université Bordeaux Montaigne
Partition





Partition, 2024
Feuilles de papier, pointes, dimensions variables
Exposition 2+2= 5
Salle Alban Denuit, Université Bordeaux Montaigne
Aparté
Aparté, 2024 Performance chorégraphique, durée variable (extrait)
Exposition 2+2= 5
Salle Alban Denuit, Université Bordeaux Montaigne
Exposition 2+2 = 5
Extrait du flyer de l’exposition
Are you such a dreamer
To put the world to rights ?
I’ll stay home forever
Where two and two always makes up five
Radiohead, 2 + 2 = 5, 2003.
Cette exposition collective marquant l’aboutissement de la formation du Master 2 Arts Plastiques de l’Université Bordeaux Montaigne propose une scénographie bâtie sur le mode l’équation insoluble : 2 + 2 = 5.
Une inconnue s’est glissée parmi les œuvres, ajoutant une pièce à la composition, une cellule au tableau, une case à la grille, une chute au patchwork. Comme les énigmatiques 21 grammes perdus au moment de la mort, une donnée inconnue erre quelque part entre les œuvres. Dans le projet vidéographique d’ Alexandra Anikieva, ce pourrait être la pièce virtuelle, comme espace liminaire dans lequel ses entretiens auprès d’artistes sont réalisés. La pièce et ses quatre murs deviennent un support sensoriel d’écoute. La donnée manquante de son projet est le « chez-soi » perdu lors de l’exil. Les installations et objets de Camille Boivin se tiennent également dans cet espace liminaire, celui de la filiation (et du filage de coton) d’un héritage retranscrit dans la création au travers de la reprise, au sens littéral d’une couture reprisée et au sens figuré d’une filiation d’un savoir-faire dans la généalogie.
Le travail de Heidi Barré génère quant à lui une donnée inconnue, grâce à la mise en place d’une œuvre protocolaire, devenue le protocole lui-même et créant ainsi un indiscernable entre l’œuvre en puissance et sa réalisation matérielle. Sa pratique rattachée au Yi Jing propose d’aborder l’inconnue sur le mode de l’aléatoire. Enfin, les grilles de mots croisés et de Scrabble de Claire Commes reposent sur l’illisibilité d’un système d’hyper-correspondance, l’inconnue étant à la fois la définition manquante et les règles du jeu qui se trouvent détournées par des procédés plastiques et logiques.
2 + 2 = 5, c’est enfin une référence à un imaginaire algébrique présent dans l’aspect protocolaire de certaines œuvres, et dans le motif de la grille (comme grille de lecture, grille de mots ou encore grille de tricot).
En vérité, 2 + 2 = 4, comme le nombre d’étudiantes participant à cette exposition, chaque projet possédant ses caractéristiques plastiques et sémantiques propres, la cinquième donnée serait alors la globalité du projet, un aspect qui leur tenait à cœur suite aux deux années de pratique plastique basées sur la collaboration et l’entraide au sein d’expositions collectives, un aspect qu’elles considèrent stimulant et enrichissant pour la création, comme une valeur ajoutée
2 + 2 = 5 !

Affiche de l’exposition

Table de recherche


Accrochage des affichages